L'estime de soi après toutes ces épreuves
Selon Albert EINSTEIN, « L’estime de soi est l’estimation de la distance entre ce que tu crois être et ce que tu es ».
L’estime de soi, dans sa dimension sociale dans nos relations aux autres, est entièrement intriquée avec la notion de l’affirmation de soi, à tout le moins si cette notion de confiance était présente avant que la maladie ne vienne indéniablement l’ébranler…
Pour aller plus loin encore sur une notion voisine, le narcissisme, un célèbre psychiatre français a défini le concept de « violence fondamentale », comme étant l’expression la plus primaire du narcissisme, ou encore la manifestation ultime, inconsciente majoritairement, de l’instinct de survie d’un individu.
Dans cette maladie terrible qu’est le cancer, c’est notre corps qui vient témoigner d’un dysfonctionnement, voire d’une défectuosité insidieuse, cependant que l’on avait le sentiment d’être une personne lambda, avec un narcissisme standard et une estime de soi correcte et élaborée.
Une fois le diagnostic posé, puis le traitement en cours, l’écart entre l’image de ce corps, déjà dysfonctionnel, de surcroît abîmé, fatigué, meurtri par la médication, l’ablation d’une partie de soi, cet écart donc avec celui d’un corps que l’on fantasme après la guérison est pour une femme atteinte du cancer foncièrement abyssal ! Cependant, c’est bien ce fameux instinct de survie primaire, archaïque, qui nous amène à accepter quelque chose de fondamentalement contre-intuitif : ne pas détester notre corps qui fait défaut, et surtout accepter de l’empoisonner pour lui permettre de se diriger vers la guérison. Viennent se mêler à tout cela, qui déjà représente une charge mentale et émotionnelle folle, le regard de l’Autre, notre propre regard, nos représentations de nous-mêmes, tantôt dévastées, tantôt positivistes pour l’on ne sait quelle raison, l’hyper-technicité derrière laquelle certains soignants se réfugient pudiquement ou avec trop de certitudes, l’attitude des proches, qui n’ont pas toujours eux-mêmes un rapport confortable avec l’idée de maladie (en même temps, qui l’aurait automatiquement ?).
En effet, pour quelqu’un qui n’a pas éprouvé le caractère dysfonctionnel de son corps, il paraît impensable que tant de heurts (chimiothérapies, radiothérapie, reconstruction etc.) puissent nous affecter à un point tel que nous nous détestions parfois au plus profond de nous-mêmes. On peut ajouter encore la distance s’installant avec certains de nos amis, etc. On pourrait presque en faire un inventaire à la Prévert des dégâts que provoque cette monstruosité qu’est le cancer, celui du sein en étant un représentant notoire.
A cette étape, on l’a bien compris, il faut enclencher aussi vite que possible notre passage dans la lessiveuse émotionnelle, morale et intellectuelle qu’est la courbe du Deuil… Ah cette satanée succession de Déni, Colère, Peur, Marchandage, Négociation (avec qui d’ailleurs, Nous ? Dieu ? les équipes de R&D sur le Cancer ?, non mais c’est vrai !), Dépression – un peu, beaucoup, à la folie –, Acceptation, Découverte de son nouveau Soi, puis une fois la guérison acquise, Agir et (re)vivre, se (re)découvrir, etc.
C’est exactement là que le paradoxe ultime de la restauration de l’estime de soi après un cancer réside :